L’Art de tenir sa langue
Ce conseil est un beau sujet de conversation, mais aussi, à
en croire les amateurs, un délicieux objet de gastronomie. Car on peut fort
bien combler ses papilles en accommodant d’autres.
Depuis que les mathématiques et le langage binaire ont
remplacé les langues mortes, il est difficile pour un amphitryon de bien tenir
son rôle à table. Car il doit mettre chacun en valeur, faire parler son invité
de lui-même. Et quelle opinion se faire, en effet, d’un homme aspirant à la
réputation de gastronomie qui resterait affreusement coi en entendant parler
des langues de bœuf, de veau, d’agneau ou de cochon ? Oui, y-a-t-il
vraiment de plus belles langues vivantes que ces subtiles langues vivantes que
ces subtiles langues amoureusement préparées, qui n’ont jamais calomnié, menti
ni blasphémé ?
Pour éviter que le bavard ne nous excède jusqu’à l’impatience,
, préparez-lui vos belles langues mortes, qui n’ont que d’excellentes choses à
nous apprendre, jamais monotones, puis’on peut en varier l’apprêt de cent
manières. De plus, jamais importunes, jamais trop piquantes ni trop salées
entre des mains habiles, elles ont aussi le don de plaire à tout le monde et
sont assez sage pour ne point se faire d’ennemis. Ainsi parlait Grimod de La
Teynière.
Source : En cuisine avec Alain Senderens
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